Home > Actualités > Faire muter le système agricole, maintenant !
Partager sur :
CAMPAGNES SOLIDAIRES
12.06.2020

Faire muter le système agricole, maintenant !

En finir avec la mise en pratique de la théorie économique des avantages comparatifs, des yaourts qui font 3000 kms avant d'être mangés, d'une main d'oeuvre agricole exploitée, c'est possible ! La Confédération paysanne, avec et au sein de la société civile, ne manque pas de propositions.

La pandémie du Covid-19 a révélé un certain nombre de paradoxes de notre civilisation. D'une part, on réalise qu'en plus d'être mortifère, elle n'est peut-être pas éternelle. Qui aurait pensé que cette frénésie de transports et d'échanges internationaux élevés au rang de modernité incontournable nous vaudrait le confinement de la moitié de l'humanité ? Qui pouvait imaginer que la famine lointaine entrevue dans nos journaux télévisés s'inviterait à la table des plus défavorisés à nos portes ? Comment comprendre que le cinquième exportateur de blé au monde vienne à manquer de farine en petit conditionnement ? Et alors que tous les pays se sont refermés comme des huîtres, comment accepter ce monde où un certain type d'agriculture dépend et exploite de la main d'œuvre immigrée ? Des années de mise en pratique de la théorie économique de l'avantage comparatif développée par Ricardo (1) nous ont amené à cette situation. Mais elle n'est pas inéluctable !

Les pouvoirs publics ont montré lors de cette crise que quand ils veulent, ils peuvent trouver des moyens et s'asseoir sur des principes hier intangibles. A la sortie de cette expérience inédite, nous n'en attendrons pas moins d'eux pour remettre dans l'ordre les priorités. A ce petit jeu, l'agriculture, au même titre que la santé ou l'enseignement (formation), devrait se retrouver en haut de la pile !

Par agriculture, nous n'entendons pas fermes-usines (des 1000 vaches ou autres), OGM, agrandissement, compétition économique ou vocation exportatrice. Non, nous parlons d'une agriculture paysanne compétitive en terme de durabilité et d'emploi. Des emplois non délocalisables et répartis sur l'ensemble des territoires, contrairement au système actuel où la France attend les travailleurs de l'Est, où la Pologne attend les Ukrainiens, l'Espagne les Marocains ou les USA les Mexicains. Des travailleuses et travailleurs qui en majorité sont des paysan.nes chassé.es de leur terre pour développer des cultures d'exportation.

Pour avoir des paysannes et paysans nombreux, encore faut-il qu'ils aient un revenu, et ce n'est pas en les mettant en compétition tou·tes contre tou·tes que ce sera possible. Cela passe par la souveraineté alimentaire pour chaque pays ou groupe de pays, et la réflexion nous amène vite à la maîtrise de la production et, du coup, à sa répartition. Cela passe aussi par une harmonisation sociale dans ces groupes de pays et par une évolution des fiscalités qui n'incite pas à un investissement dispendieux.

Non seulement les productions, et donc les travailleuses et travailleurs, doivent être répartis sur tous les territoires, mais les outils de transformations aussi (abattoirs, légumeries, laiteries...). Notre alimentation ne peut pas dépendre à ce point d'une chaîne logistique ubuesque où les diverses composantes d'un yaourt font en tout 3000 kilomètres avant d'arriver sur notre table. Là aussi, les pouvoirs publics auront un rôle à jouer. Les productions et leurs modes de productions devront naturellement être variés et adaptés à leur territoire, avec un impact environnemental aussi réduit que possible.  

La Confédération paysanne mettra toute sa détermination à enclencher et accompagner cette mutation du système agricole, mais seule elle n'y arrivera pas. Et l'intervention publique indispensable à sa réussite ne viendra pas spontanément. C'est pourquoi nous devons nous appuyer sur les citoyennes et citoyens sensibilisés de longue date ou alertés par cette situation inédite, en associant à notre combat toutes les organisations de bonne volonté, comme c'est le cas à travers le collectif « Plus jamais ça ! ».

Denis Perreau,
paysan en Côte-d'Or,
secrétaire national

 


(1) David Ricardo (1772 -1823) est un économiste et philosophe britannique, également agent de change et député. Il est considéré comme l'un des économistes libéraux les plus influents de l'école classique aux côtés d'Adam Smith et de Thomas Malthus.

 


Article extrait du numéro 362 de Campagnes solidaires (dossier « Et maintenant, l'après ! »)

 

TROUVEZ UNE CONF'
CAMPAGNES SOLIDAIRES
NOUS CONTACTER Mentions légales
Copyright 2018 - Tous droits réservés - Confédération paysanne
104 Rue Robespierre, 93170 Bagnolet - Tél +33 1 43 62 04 04