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CAMPAGNES SOLIDAIRES
28.06.2021

Gel : et après ?

Le gel d’avril a été d’une intensité et d’une expansion géographique rarement vues jusqu’à présent. Il convient de ne pas considérer cet événement comme exceptionnel, mais bel et bien comme une des nombreuses manifestations du changement climatique qui se répéteront à l’avenir.

Instituts techniques agricoles et sociétés privées se battent pour décrocher l'argent public qui leur permettra de mettre en place de nouvelles technologies de « lutte contre le gel ». Mais plutôt que d'injecter des sommes mirobolantes dans des technologies qui resteront trop chères pour la majorité des fermes, la priorité doit être donnée à la mutualisation des savoir-faire paysans disséminés sur le territoire. En effet, nous constatons que certain·es ont pu limiter l'ampleur des dégâts par des méthodes de prévention et de lutte parfois bien connues, parfois moins. En ce sens, la Confédération paysanne a demandé au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes le déclenchement d'un programme de recherche spécifique. Il s'agit d'analyser les méthodes employées dans les fermes sous un angle technique («  en quoi ça consiste et est-ce que ça fonctionne ? »), territorial («  est-ce pertinent partout ? »), économique («  est-ce rentable ?) et sociétal («  quelles critiques peuvent émaner de la société civile ? »).

Pour autant, ni les techniques de prévention et de lutte contre les effets du changement climatique, ni un système d'indemnisation efficace contre les aléas climatiques (voir fonds mutuel et solidaire) ne seront suffisants pour assurer l'avenir des productions végétales. Si cet épisode de gel a eu un impact aussi fort sur les fermes, c'est surtout parce que nous n'avons plus les moyens de constituer d'épargne pour les années difficiles.

En Occitanie, les vignobles donnent une lecture de l'évolution climatique par les registres des dates de vendange. À la fois résiliente et sensible, la vigne nous montre les effets de plus en plus récurrents du gel, des grêles et autres événements violents qui sonnent le glas de la dérive hors sol d'un modèle obnubilé par le rendement financier, la logique industrielle de filière, la croissance

et l'export. C'est sous le diktat du « contrôle du sourcing » de groupe multinationaux que les viticulteurs et viticultrices, à la fois clients et fournisseurs au sein d'un même groupe coopératif, sont pris dans un flux tendu financier et subissent l'injonction mondialiste de la course au rendement optimum et à la réduction des coûts.

 

Des pertes fatales

Dans ces conditions qui ne leur laissent aucune marge de réserve pour affronter les aléas climatiques, les pertes d'une année ne peuvent être résorbées et celles cumulées sur plusieurs épisodes deviennent fatales aux productrices et producteurs impactés. La Confédération paysanne demande donc l'abondement impératif et solidaire du plan de soutien national par les maillons de la filière qui capitalisent les rendements financiers dans des structures de négoce et de mise en marché, tant privées que coopératives.

En fruits et légumes, la multiplication des épisodes météorologiques destructeurs participe également de l'effondrement en cours du secteur. Mais cette réalité ne doit pas dissimuler que ce sont bien les distorsions de concurrence organisées par le marché unique européen qui sont à la source de la situation : autosuffisants en 1990, nous ne produisons même plus la moitié des fruits et légumes dont nous avons besoin en France. Relocaliser la production, sortir des pesticides, retrouver la qualité gustative et nutritionnelle, adapter nos systèmes à des conditions climatiques déstabilisées : nous ne pourrons répondre à aucun de ces grands enjeux tant que nous serons entravés par la logique de compétition. C'est le sens de notre revendication de prix minimum d'entrée pour les fruits et légumes importés sur le marché national, plus indispensable que jamais(1).


Emmanuel Aze, arboriculteur dans le Lot-et-Garonne,
Téo Boutrelle, maraîcher en Aveyron,
Jonathan Chabert, maraîcher dans les Côtes-d'Armor
et Mathieu Dauvergne, viticulteur dans l'Aude

 

(1) Publié dans le n° 343 de Campagnes solidaires, le dossier Un prix minimum d'entrée pour les fruits et légumes importés peut être (re) lu sur le site de la Confédération paysanne (pages « Campagnes solidaires  », puis « archives ») ou sur : urlz.fr/fF


Cet article est issu du numéro 373 de Campagnes Solidaires, le mensuel de la Confédération paysanne.

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