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CAMPAGNES SOLIDAIRES
13.05.2014

Ne pas y aller plein gaz !

Dérive allemande : unité de méthanisation de Penkun, près de la frontière avec la Pologne, 20 ha, 1000 tonnes de maïs par jour et 12 000 ha cultivés nécessaires (source : Amis de la Terre)

Tous les mois découvrez un article de Campagnes Solidaires. Ce mois-ci, un point de positionnement sur la méthanisation.


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La Confédération paysanne paysanne pose quatre grands principes pour encadrer la production de méthane à la ferme et demande un moratoire sur les projets en cours, le temps que la réflexion soit menée et ce cadrage acté.

Où en est le débat politique à la Confédération paysanne sur la méthanisation ? Qui veut s'y immiscer a intérêt à connaître son manuel de biochimie sur le bout des doigts. Car arguments techniques divers et variés s'infirment et/ou se confirment, sans qu'on puisse réellement en voir le bout. La méthanisation est pourtant déjà bien lancée en France, et l'ambition politique de l'accélérer n'est plus un secret : le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, tient à son plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » qui prévoit  « 1 000 méthaniseurs à la ferme en 2020 ».

Or selon les territoires, les productions, les acteurs, les réalités des projets sont extrêmement différentes. Ainsi émergent des divergences de points de vue sur son rôle dans la gestion de l'azote, sa capacité à produire de l'énergie, ou encore le risque qu'elle fait porter à l'apport en carbone des sols.

Tout ces aspects sont évidemment très importants pour comprendre les enjeux agronomiques et environnementaux d'une telle technologie, mais leur compréhension va de pair avec l'analyse du cadre politique, économique et social dans lequel elle s'inscrit (ou va très vite s'inscrire …). Et à observer de près ou de loin l'agitation qui règne autour de la méthanisation (industriels, pouvoirs publics, bureaux d'étude, agriculteurs...),  on peut prédire sans difficulté que son développement, sous une forme ou sous une autre, ira bien plus vite que le détricotage et l'aboutissement des confrontations techniques. 

Prenons ainsi l'exemple des agrocarburants. Présentés à leurs début comme une réponse de substitution aux énergies fossiles, vite ont été démontrés leur méfaits et démontés les espoirs du début sur leur bienfaits environnementaux. Aujourd'hui, il n'y a (presque) plus personne pour remettre en cause leur impact négatif sur la souveraineté alimentaire, les droits des paysans et des populations ou leur effet sur le phénomène d'accaparement des terres. Si les débat techniques continuent encore dans la petite sphère des industriels et des décideurs, ils servent surtout aux acteurs de la filière pour remettre en cause et empêcher les avancées politiques minimes sur la question. Al'heure actuelle, comme pour bien d'autres domaines, les agrocarburants industriels ont pris le dessus et l'huile végétale pure (HVP*), sur laquelle la Confédération paysanne a portée un regard positif comme outil d'autonomie sur les fermes, est ultra minoritaire en France.

Il en va de même pour la méthanisation : comme il n'est plus à nier que des projets de petite méthanisation à la ferme ou des projets collectifs conçus intelligemment ont leur intérêt, il est indéniable que le développement de la méthanisation en France fait porter un risque à l'agriculture paysanne  : l'exemple du projet la ferme des 1000 vaches, dans la Somme, en est le symbole (cf. CS n°288).

En parallèle des débats techniques, il y a urgence pour la Confédération paysanne à empêcher que le processus de développement de la méthanisation remette en cause son projet politique. C'est cette priorité qui a été actée par le comité national du syndicat en mars 2014, autour de quatre grands principes :

            1/ que soit définie à l'échelle régionale, avec tous les acteurs, un plan global de méthanisation prenant en compte le complément en carbone à partir de la seule disponibilité en déchets ;
            2/ que les fonds publics destinés à soutenir l'agriculture ne permettent pas de subventionner les projets de méthanisation ;
            3/ que l'utilisation de cultures dédiées et intermédiaires soient interdites pour tout projet (1) ;
            4/ que la gouvernance des projets de méthanisation soit clairement prédéfinie et durablement assurée par des agriculteurs et/ou des collectivités, de façon à garantir la sécurité des utilisateurs de digestat (2).

La Confédération paysanne revendique ainsi la mise en place d'un moratoire sur la méthanisation tant que les quatre points précédents ne sont pas encadrés, et demande la suspension de tous les projets intégrant l'utilisation de cultures dédiées ou intermédiaires dans leurs procédés.

En empêchant le développement d'une méthanisation industrielle destructrice, on peut alors imaginer que les ambassadeurs de l'agriculture paysanne auront toute place pour développer une méthanisation paysanne au service d'un projet agricole et d'une transition énergétique intelligents.
 

Suzie Guichard, animatrice nationale

 

(1) Cultures destinées à alimenter directement le méthaniseur. Le cas du maïs est le plus emblématique : en Allemagne, on estime qu'en 2012, 820 000 ha (sur 2,5 millions) étaient dédiés à la production d' agro-énergie, en grande partie du méthane (source : Paysan breton).
(2) Le digestat (à ne pas confondre avec le compost) est un des deux résidus, au même titre que le gaz, issu du processus de méthanisation de la matière organique. Il s'agit d'un résidu solide ou liquide pâteux composé d'éléments organiques non dégradés et de minéraux.
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