Une justice bien vache
« Selon que vous serez puissant ou misérable (de la FNSEA* ou de la Confédération paysanne, en langage moderne), les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » dixit La Fontaine.
Ce 28 octobre à Amiens, neuf militants de la Conf' arrêtés manu militari comme des terroristes, seront jugés parce qu'ils ont symboliquement démonté la salle de traite de cette funeste usine à mille vaches… le préfet de la Somme avait pourtant ordonné de détruire partiellement les installations, car sur zone archéologique. Qu'à cela ne tienne, l'usine a commencé à livrer son drôle de lait, véritable sous-produit puisque l'objectif est de faire un max de bouses pour alimenter un méthaniseur industriel. À cette aberration agricole (imaginons en Aveyron une telle usine à vaches par canton, et on peut supprimer tous les autres élevages) s'ajoute une aberration judiciaire. En effet, les actions de la Conf' s'inscrivent toujours dans la non-violence, à visage découvert, sans agressions verbales ou physiques, mais sont lourdement réprimées. Quant à celles de la FNSEA*, jugez-en plutôt par vous-mêmes :
- Il y a une vingtaine d'années, ce camion de moutons brûlés vifs lors d'une manifestation de la FNSEA*. Qui s'en souvient ?
- En février 1999, le bureau de la ministre Dominique Voynet a été saccagé, de nombreux documents sont emportés. Résultat : deux ans plus tard quelques peines symboliques contre quatre lampistes ;
- En 2004, à l'hôtel des impôts de Morlaix, 60 000 € de dégâts et un gendarme gravement blessé : faits toujours impunis.
- En septembre 2013, la FNSEA* a ravagé le domaine autour du siège du PNR du Morvan, sous l'œil placide des gendarmes qui ont laissé faire ;
- Novembre 2013 : blocus de Paris causant deux accidents et un mort. Pas de suites judiciaires.
- Septembre 2014, encore à Morlaix : deux bâtiments publics incendiés dont celui de la MSA*, devant les forces de l'ordre qui ont laissé faire, et des « responsables » FDSEA* qui justifiaient et encourageaient l'action.
Où est la justice ? Il est vrai que la FNSEA* ne remet jamais en cause le système agro-business, alors l'Etat peut bien lui tolérer quelques accès de colère… Par contre, la Conf', parce qu'elle combat la dérive industrielle de l'agriculture, elle est considérée comme terroriste des champs.
Souvenons-nous des OGM : combien de mascarades judiciaires avons-nous vécues, avec avalanche de prison ou d'amendes démentielles ? Drôle de tribunaux qui pour les mêmes faits relaxaient quand d'autres sévissaient très fort. Résultat, aujourd'hui l'opinion (et l'Etat) ont reconnu le bien-fondé des combats de la Conf' : les OGM sont enfin interdits dans les champs.
En fait, du temps que la Conf' fait avancer l'agriculture paysanne dans un esprit d'agro-écologie, la FNSEA*, tout en prétendant défendre l'agriculture familiale, l'assassine un peu plus chaque jour.
Faudra-t-il croire qu'il serait moins risqué d'incendier un centre des impôts ou les bâtiments de la Sécu agricole que de démonter symboliquement une usine à 1 000 vaches ? Réponse à Amiens ce 28 octobre.
Léon Maillé