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PAC
20.07.2016

Lettre ouverte à Stéphane Le Foll : PAC 2017/PAC 2020

Courrier adressé ce-jour au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. A la veille des arbitrages sur la PAC* 2017-2020 et sur la PAC* 2020, il fait le point sur les revendications de la Confédération paysanne.

Bagnolet, le 20 juillet 2016

Objet : Lettre ouverte PAC* 2017 et PAC* 2020

   Monsieur le Ministre,

Vous vous apprêtez à présenter à l'Europe vos notifications pour la Politique agricole commune 2017-2020. Si nous avons d'abord pu être agréablement surpris des échanges que nous avons eus avec vous à ce sujet, les dernières remontées de vos services provoquent, elles, une grande inquiétude.

Nous avions déjà noté que votre mobilisation lors des négociations européennes avait permis de donner des marges de manœuvre aux Etats pour mettre en place une PAC*  qui aurait pu stopper la disparition des paysans et assurer un avenir à notre agriculture. Pourtant, de retour de Bruxelles, vous aviez alors choisi de ne pas utiliser toutes les mesures pour lesquelles vous vous étiez battu. La PAC* actuelle est excluante, tant à cause du niveau de convergence trop timide qui préserve les uns et avantage les autres, qu'en raison des planchers d'accès aux aides bien trop élevés, ou des choix budgétaires insuffisants sur certains soutiens. Vous avez aujourd'hui la possibilité de confronter ces décisions à vos prises de position sur l'agroécologie et d'agir en faveur d'une agriculture qui intègre la diversité des paysans.

Sur la majoration des 52 premiers hectares, nous vous demandons de ne pas céder au lobbying de ceux qui ne cherchent qu'à enrichir encore les plus gros exploitants. Nous ne pourrions comprendre que vous cédiez sur ce marqueur de votre PAC*. Nous partageons ce principe de soutien renforcé aux premières unités, et nous continuerons à militer pour qu'il concerne encore davantage les tout premiers hectares. Vous pouvez d'ores et déjà attribuer, comme prévu, 20% de majoration. C'est un soutien précieux qu'il faut inscrire dès à présent dans la PAC* 2017.

Concernant l'attribution des aides couplées, la mise en place de la nouvelle PAC* a montré que de trop nombreuses fermes petites et/ou diversifiées sont exclues par les planchers. Vous pouvez décider que l'accès aux soutiens pour les aides couplées animales doit être compté en UGB*, ce qui permettrait d'éviter d'exclure les fermes diversifiées, comme vous l'aviez évoqué vous-même. Pour les productions ovines, il est nécessaire de réviser le seuil de productivité pour prendre en compte les agnelles de renouvellement et supprimer les seuils excluants. La majoration « démarche de qualité et vente directe » ne doit pas être supprimée. En tout cas, l'argent libéré devrait aller sur les premières brebis et non à la majoration « démarche de commercialisation ».

Afin d'assurer une juste répartition des aides et d'éviter leur dilution, il nous paraît indispensable de les plafonner. C'est ce que vous avez fait pour l'aide aux légumineuses fourragères, et il est indispensable de maintenir ceci. Vous aviez, par ailleurs, fixé un plafond à 139 vaches pour l'aide couplée vaches allaitantes qu'il est indispensable de revoir à la baisse pour assurer un soutien plus fort aux éleveurs actuellement en situation économique très difficile. La même logique prévaut pour mettre enfin un plafond à l'aide ovine.

Monsieur le Ministre, vous avez la possibilité de changer le cap de cette PAC*, et l'heure vient aussi d'imaginer la PAC* 2020. Fort de votre expérience, vous savez qu'il va falloir à nouveau négocier avec vos homologues européens pour tracer ensemble les contours d'une future politique agricole commune qui donne un avenir aux paysans d'Europe.
L'élevage traverse en ce moment une très grave crise, née de la dérégulation du secteur agricole. En rénovant la PAC*, il faut mettre en place des mesures de maîtrise de la production et de régulation des marchés. C'est la moindre des choses pour que les paysans reçoivent un revenu décent, qui couvre les coûts de production et soutienne leur engagement dans ce métier. De plus, des aides spécifiques fortes doivent être mises en place pour soutenir les fermes dans des situations particulières (territoires difficiles, petites fermes, nouvel installé…), ou les bénéfices qu'elles apportent à la société, dans la suite des MAEC que vous avez déjà mises en place mais qui sont à renforcer.

Enfin, et c'est essentiel, vous pouvez être le ministre qui réconciliera pour de bon l'agriculture et la société. Vous qui prenez tant de plaisir à parcourir nos territoires, à en valoriser les produits, vous savez que tout cela est en danger. La PAC* 2020 doit être celle qui re-lie agriculture et alimentation, qui refait des paysans ceux qui nourrissent leurs concitoyens, elle doit devenir une politique agricole et alimentaire commune.

Vous avez dit un jour : « on a besoin d'une production suffisamment industrialisée pour qu'elle soit accessible ». Vous laissez entendre par là que l'agriculture industrielle est plus efficace pour fournir une alimentation accessible au plus grand nombre. Ceci est faux ! L'agriculture industrielle est celle qui  coûte le plus cher par les aides directes et indirectes qu'elle perçoit, mais aussi par les dégâts qu'elle cause tant sur le plan social avec l'élimination des autres paysans, que sur plan économique avec une faible valeur ajoutée à l'unité produite, ou sur le plan environnemental avec des systèmes de production simplifiés à l'extrême et en contradiction avec l'agroécologie. Pour le même coût, il est possible et nécessaire de soutenir une agriculture capable de faire vivre des paysans nombreux sur nos territoires, créatrice de valeur ajoutée, produisant une alimentation de qualité accessible à tous, et respectueuse de la nature.

Edgard Pisani, disparu très récemment, et dont vous avez salué « l'homme de conviction et de courage » plaidait déjà depuis longtemps pour « Une politique agricole, alimentaire, rurale et environnementale européenne », propos qu'il reprenait dans son ouvrage « Le vieil homme et la terre ».  Une fuite en avant, même quelque peu maitrisée, vers une agriculture toujours plus industrielle, éliminant en permanence les plus petites fermes et pénalisant les systèmes les plus vertueux, ne peut qu'être en contradiction avec une politique agricole d'utilité publique.

Vous avez aujourd'hui les moyens de faire bouger les lignes. Nous comptons sur vous pour en user.

Vous remerciant de l'attention que vous porterez à ce courrier, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de nos salutations respectueuses.

 

Laurent Pinatel
Porte-parole de la Confédération paysanne

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