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CAMPAGNES SOLIDAIRES
23.09.2020

A Bordeaux, le coronavirus achève la viticulture

Les conséquences de la pandémie du coronavirus affectent aussi la filière viticole. Le vignoble bordelais est particulièrement frappé mais la crise y est bien antérieure. Un problème structurel : c’est toute la politique expansionniste menée depuis quinze ans qui est à détricoter.

Le Covid-19 n'aura fait qu'accentuer la crise d'image et de commercialisation des vins de Bordeaux, crise que les chiffres officiels révélaient depuis mars 2018. Le refus d'une profession fossilisée de regarder en face la « crise des pesticides » n'a pas aidé. Bordeaux ne fait plus rêver, en décalage complet avec le désir de « naturalité ».

Les bordeaux génériques sont allés au bout du processus d'industrialisation mis en place dès 2003 par l'interprofession et le négoce. On a industrialisé et massifié l'offre. A la fin, on a des vins certifiés-standardisés par QualiBordeaux, mais dont le marché n'est pas friand… Résultat : avant vendange 2020, au moins 20 mois de stock, des cours en lévitation momentanée à 700 euros le tonneau grâce aux mesures de distillation (moins d'un euro le litre, donc), 5 millions d'hectolitres produits pour seulement 3,7 millions vendus...

Comme le disait un observateur : « C'est un exploit de voir une marque avec une telle image détruite en moins de deux décennies ! ». Aux cours actuels, les vigneronnes et vignerons payent, juste en CVO* interprofessionnelle (1), 6 % de leur chiffre d'affaires pour alimenter une machine à perdre.

Le système coopératif (un tiers du vignoble bordelais) est en crise ouverte. La mévente est bien présente. Les investissements massifs en bâtiments, matériels de vinification « modernes » ont été dimensionnés large. Le départ massif des coopérateurs papy-boomers réduit la viabilité de ces investissements. Les banques ont dû mettre en route des respirateurs bancaires artificiels pour éviter l'accident industriel cataclysmique. Mais l'après vendanges sera meurtrier et le Crédit Agricole va devoir s'asseoir sur un paquet de créances désormais irrécouvrables.

Les appellations dites « communales » ne vont pas mieux. Les banques portent là aussi un stock qui gonfle, rassurées par la valeur présumée du foncier. La dépendance à l'export a créé une fragilité considérable : le quasi-arrêt de la Chine, le Brexit et les taxes Trump pour les Etats-Unis ont frappé durement.

C'est toute la politique expansionniste menée depuis quinze ans qui est à détricoter. Des dizaines de milliers d'hectares seront à arracher et à convertir vers d'autres productions. Tout le monde parle à mots couverts de cet arrachage alors même que les plans de restructuration du vignoble  ne sont  pas terminés : difficile de demander l'aide de l'Europe dans ces conditions.

Cette crise peut permettre, si tous les acteurs prennent leurs responsabilités, de restructurer une agriculture trop imprégnée par la monoculture intensive de la vigne. La Confédération paysanne de Gironde demande un plan d'ensemble, notamment au niveau foncier, pour éviter une déprise viticole anarchique. L'arrêt de la culture de la vigne ne doit pas déboucher sur une série de confettis de friches. Les terres les plus adaptées à des cultures alimentaires doivent être restructurées dans des unités viables. Et un véritable accompagnement de ces installations doit se mettre en place.

Ceux qui s'accrochent aux manettes n'ont pas pris la mesure de la situation. Ces architectes du désastre en cours continuent à  proposer des mesures conjoncturelles à un problème structurel.  « Bordeaux sera toujours Bordeaux », pensent-ils, oubliant les vaches faméliques de la période 1972 à 1982.  C'est le reflet d'élites autrefois cultivées mais qui ne sont plus animées aujourd'hui que par une pensée « Sup de Co » bas de gamme.

Dominique Techer,
vigneron,
porte-parole de la Confédération paysanne de Gironde



(1) CVO* : Contribution volontaire…  obligatoire


Cet article est issu du n°364 de Campagnes Solidaires, le mensuel de la Confédération paysanne.
 
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