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MÉGABASSINES
28.10.2022

Un non-sens

L’opposition aux mégabassines – retenues d’eau pompée l’hiver dans les nappes phréatiques pour être stockée en surface et servir à l’irrigation agricole l’été – s’alimente d’avis scientifiques.

« Cette idée des retenues d'eau est un non-sens ». Ainsi s'exprime Christian Amblard, spécialiste de l'eau et des systèmes hydrobiologiques, directeur de recherche honoraire au CNRS* (1). Fils de paysans, il comprend la détresse de celles et ceux confrontés de manière récurrente aux périodes de sécheresse. Mais il explique que le principe des bassines n'est pas viable sur le long terme, car lorsqu'on stocke l'eau de manière artificielle, on assèche les sols et brise la continuité écologique. D'autant que l'eau stockée en surface stagne et s'évapore. Plusieurs scientifiques estiment que 20 et 40 % de cette eau serait ainsi perdue. Christian Amblard rappelle que « pour avoir une bonne gestion de la ressource en eau, il faut tout faire pour qu'elle s'infiltre dans le sol ».

Ce que rappelle également Emma Haziza, docteure de l'Ecole des Mines de Paris (1) : « Le premier utilisateur de l'eau reste le milieu naturel. Les zones humides comme le Marais poitevin sont nécessaires, elles génèrent à leur tour de nouvelles pluies, de nouvelles boucles du cycle de l'eau. » L'hydrologue se dit « favorable aux petites retenues collinaires qui récupèrent les eaux de pluie par ruissellement, mais opposée au captage dans les nappes, un modèle californien de la gestion de l'eau qui ne profite qu'à quelques-uns. » Et de compléter : « À force de pomper dans les nappes, celles-ci se fragilisent, leur niveau d'équilibre baisse jusqu'à leur tarissement » quand « il faut compter près de 10 ans pour qu'une nappe se reconstitue, à condition de lui en laisser l'occasion… »

Hydrobiologiste à la Fédération de pêche des Deux-Sèvres, Christophe Bordes, partage ces avis (2) : « Pour le milieu aquatique, il n'y a pas d'excédent. L'eau n'est jamais perdue, même quand elle va à la mer. À quelques kilomètres d'ici, la baie de l'Aiguillon s'envase par manque d'eau douce apportée par les rivières, les ostréiculteurs en pâtissent », souligne-t-il.

Alors pourquoi, outre par cupidité, une minorité d'agriculteurs insiste-t-elle dans sa volonté de construire des bassines ? Magali Reghezza, géographe, membre du Haut Conseil pour le climat, et Florence Habets, hydrométéorologue, directrice de recherche au CNRS*, expliquent (3) :  «  Pour désigner le recours systématique à des ajustements techniques, dont le but n'est pas d'adapter le système à la disponibilité de la ressource de plus en plus variable, voire, dans certains cas, de plus en plus réduite, mais de maintenir une trajectoire de développement fondée sur l'augmentation de la disponibilité de la ressource en eau, les  chercheurs utilisent la notion de « fix hydrosocial », en référence aux drogues. La tendance à investir dans de nouvelles constructions consiste en effet à  fixer (réparer) un dysfonctionnement (ici le manque d'eau), en immobilisant du capital dans une infrastructure, au lieu d'investir pour soutenir la transition vers des pratiques moins gourmandes en eau. »

Des junkies de la croissance à contre-sens de l'histoire, en quelque sorte... Les deux chercheuses en concluent, qu'à l'inverse, en plein dérèglement climatique, «  on ne pourra pas passer les prochaines situations de crise sécheresse sans une très grande sobriété des usages de l'eau, un partage de la ressource équitable, en fonction des priorités décidées collectivement, et une solidarité avec ceux qui souffrent le plus du manque. »

(1) France Info, 25/09/2021
(2) Le Parisien, 25/01/2022
(3) Le Pélerin, 30/09/2022
(4) bonpote.com, 25/08/2022

Article publié dans le numéro 388 de Campagnes solidaires

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