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OGM
29.04.2014

Une interdiction fragile et à portée limitée

29.04.2014 -
Le 15 avril, les députés ont voté une loi visant à interdire « la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire national ». Victoire éphémère ou durable ? Seules nos mobilisations feront pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.

La loi votée le 15 avril à l'Assemblée nationale interdit de semer le seul OGM aujourd'hui autorisé à la culture, le maïs de Monsanto MON 810. Mais le Sénat doit encore l'adopter : elle ne sera donc applicable qu'après la fin des semis de maïs. Pour cette année, l'interdiction des cultures transgéniques repose sur un arrêté du 14 mars, contesté par l'AGPM* (1) devant le Conseil d'État qui doit se prononcer en urgence : le fera-t-il avant ou après la fin des semis ? Et la Commission européenne a déjà annoncé sa volonté d'autoriser d'autres cultures d'OGM dès 2015 : faudra-t-il une nouvelle loi pour chaque nouvelle espèce autorisée ?

Ensuite, cette loi n'interdit pas les importations d'OGM que nous mangeons tous les jours transformés en œufs, viandes et autres produits laitiers. Elle n'interdit pas non plus les nouveaux OGM cachés et brevetés qui envahissent nos champs : tournesol, maïs et colza rendus tolérant aux herbicides (VrTH, cf. CS n°294)... N'étant pas étiquetés, ces produits passent inaperçus auprès des consommateurs qui n'en veulent pas.

États et Europe se renvoient la patate chaude

Cette loi est aussi contraire au droit européen actuel. Pour comprendre sa portée, il faut revenir à la loi OGM du 25 juin 2008 qui transcrit ainsi un article de la directive européenne 2001/18 (2) : « Les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées "sans organismes génétiquement modifiés" ». Cet article oblige de fait l'État à interdire toute culture de maïs OGM risquant de contaminer les maïs population et les ruches « sans OGM » qu'on peut trouver dans toutes les zones où le maïs est cultivé.

Mais pour la seule défense des apiculteurs et de quelques agriculteurs bio, aucun gouvernement n'ose affronter le lobby du maïs industriel qui veut des OGM. Les ministres tentent de se réfugier derrière la réglementation européenne. Problème : les « mesures d'urgence » à ce niveau exigent la validation par une étude publiée dans une revue scientifique officielle de l'existence d'un risque grave pour la santé ou l'environnement. Or une telle étude ne peut pas être réalisée ni publiée sans l'accord du titulaire du brevet de l'OGM, seul détenteur des semences de base indispensables à sa réalisation. Le sort de Gilles-Eric Séralini qui a contourné cette obligation (3) est instructif : Monsanto ne le lui a pas reproché de peur de dévoiler au grand jour ce verrou légal à toute contestation scientifique des OGM ; suite à une vaste campagne de calomnies, la firme s'est contentée d'introduire un de ses anciens salariés chez l'éditeur de l'étude qui l'a alors retirée...

Refuser le nouveau marché de dupe

Les gouvernements ont pourtant un autre moyen d'interdire les OGM : faire appliquer leur demande du 5 décembre 2008 de renforcer leur évaluation en tenant compte des impacts sur les systèmes agraires. Mais la Commission européenne ne fait rien pour appliquer cette recommandation du Conseil de l'environnement. Au contraire, elle veut simplifier et accélérer les procédures d'autorisation européennes. En échange, elle propose aux États de réviser la directive 2001/18 pour les autoriser à interdire la culture de certains OGM sur leur territoire, ce qui « légaliserait » la loi française visant les maïs transgéniques. Mais ils ne pourront le faire qu'avec l'accord de l'entreprise qui produit l'OGM ou sur la base d'arguments acceptés par l'Organisation mondiale du commerce.

Si l'Europe a pu résister aux sanctions de l'OMC*, c'est parce qu'elle n'a pas interdit que la production de viande aux hormones, mais aussi son importation. Mais aucun pays ne pourra résister à la pression de ses agriculteurs victimes à la fois de telles sanctions et de distorsion de concurrence face à la libre circulation des OGM venant des autres pays autorisant leur culture.

Deux mesures très urgentes attendent la nouvelle ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal : refuser ce marché de dupe et interdire les colzas VrTH avant les semis d'août. Il ne nous reste que quelques mois pour la convaincre.

Guy Kastler, commission OGM de la Confédération paysanne

(1) Association générale des producteurs de maïs (Fnsea)

(2) L'article 26 bis qui dit que « Les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d'OGM dans d'autres produits ».

(3) Les travaux conduits par l'équipe du biologiste Gilles-Eric Séralini, publiés par la revue Food and chemical technology le 19/9/2012, montrent que la consommation régulière de maïs NK603 de Monsanto a une incidence grave pour la santé (cf. CS n°277)

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