Home > Actualités > Un sommet des peuples pour changer le système, pas le climat !
Partager sur :
CLIMAT
18.12.2014

Un sommet des peuples pour changer le système, pas le climat !

Alors que s'est déroulée à Lima la cop20 une multitude d'organisations de la société civile du Pérou et d'Amérique Latine ont organisé la Cumbre de Los pueblos (sommet des peuples). Parce que c'est cette mobilisation qui est importante, parce que la seule histoire importante qui vaut d'être écoutée est celle écrite par les citoyens du monde, nous faisons le choix de raconter le Cumbre de los Pueblos et d'oublier pour un temps que s'est déroulée une cop dont l'issue défavorable pour les peuples était connue d'avance.

La Cumbre se déroule en plein centre de Lima, ville tentaculaire. Installée au milieu d'un parc, on y trouve de grands espaces, le marché alimentaire et artisanal, les stands d'associations et les grandes tentes vert pomme d'où s'échappent des discours, des témoignages, des voies fortes et vivantes !

La Via campesina et les autres organisations du Sommet ont leurs QG dans la tente de presse, où les interpellations joyeuses fusent, où les informations se croisent.

Dans l'amphithéâtre du parc, la soirée d'ouverture de la Cumbre est faite de musique, de couleurs et de rires. En ouverture, la mistica s'installe, traditionnelle mise en scène durant laquelle des paysannes et paysans de la Via théâtralisent leurs conditions : ils travaillent, les pouvoirs politiques et industriels se mettent d'accord et envoient la police afin de s'accaparer la terre des paysannes et paysans ; la police les assassinent mais la force collective leur permet de résister, de la repousser et de vaincre. Sur scène ensuite, avec ferveur, se retrouvent tous les représentants des syndicats, associations, mouvements sociaux... Chacun prend la parole quelques minutes: un vrai consensus règne sur le rejet du capitalisme, identifié par tous comme cause majeure du changement climatique. Un incroyable énergie se dégage de ce moment, la Cumbre est lancée !

Durant la semaine, les conférences défilent dans les sept tentes : souveraineté alimentaire, rejet des mécanismes REDD+ (1) et de marché carbone, rencontres des peuples indigènes, des jeunes, des femmes, transition énergétique, capitalisme vert... 40 à 100 personnes chaque fois, traduction en anglais et espagnol. La parole circule, le débat est ouvert, les gens sont engagés et parlent avec chaleur. Beaucoup de témoignages sur les malheurs qui pleuvent sur les peuples indigènes, soumis à une persécution très forte par les multinationales et gouvernements affiliés. Expulsés de leur terre, privés de leur eau, de leur forêts, de leur outils de production, empoisonnés par les produits chimiques, ceux qui survivent viennent remplir le flots des émigrés de la terre. Une grande convergence démasque les fausses solutions portées par le « capitalisme vert »,  très néfastes.

Le mercredi 10 décembre, c'est le jour de la marche pour la défense de la Terre Mère, la Pachamama des Amérindiens. Plus de 20 000 personnes se mobilisent dans les rues de Lima sous de multiples bannières. Une importante représentation de syndicats de travailleurs et d'organisations paysannes en début de marche prouve qu'ils sont le moteur du changement et la force la plus puissante pour renverser la tendance. Les organisations de femmes sont aussi très présentes et revendiquent haut et fort leur reconnaissance dans le processus de changement, car souvent pilier indispensable de la société, notamment dans les communautés rurales.

L'achèvement de la marche ne marque pas la fin de la journée. Une manifestation est prévue dans le quartier chic de Lima où se tient, à l'hôtel Hilton, le 5eme sommet mondial sur le climat, consortium de multinationales qui défendent leurs intérêts. Les manifestants sont arrêtés à une centaine de mètres de l'hôtel, protégé par un cordon de policiers. Nous apprenons, de retour en France, que Ségolène Royal était à l'intérieur, en plein discours, au moment où nous arrivions à proximité de l'hôtel. La journée se termine par la clôture de la Cumbre dans une ambiance revendicatives synthétisant l'ensemble des temps forts de cette semaine.

La présence de la Via campesina et de ses organisations membres – dont la Confédération paysanne - est cruciale dans ces mobilisations : seule la Via porte la voix des paysannes et paysans, acteurs fondamentaux de la solution aux dérèglements climatiques.  L'agriculture est un élément central : impacts des changements climatiques sur l'agriculture ; impacts de l'agriculture sur les changements climatiques ; dénonciation des fausses solutions, etc. L'agriculture paysanne apparaît toujours comme alternative au modèle industriel dans les diverses réflexions, et sa survie dépend aussi de la place qui lui est offerte et qu'elle prend.

La mobilisation collective des paysans et paysannes est d'autant plus indispensable que les partisans des fausses solutions pour faire face au changement climatique sont puissants. Ces fausses solutions doivent être décryptées et dénoncées, d'autant plus que les paysans en sont souvent les premières victimes.

Malheureusement, toutes ces fausses solutions risquent bien de trouver bonne place dans « l'agriculture intelligente face au climat » (Climate smart agriculture), concept lancé en septembre 2014 à New-York par Ban Ki-moon, le secrétaire génaral de l'ONU*.  Aujourd'hui coquille vide, ce concept constitue une nouvelle caution institutionnelle aux multinationales agro-industrielles. Un simple cache-misère pour permettre le développement d'une agriculture qui n'a pour seule vocation que de faire disparaître les paysans en les dépossédant de leurs terres, de leurs pratiques et savoirs-faire qui seuls peuvent leur garantir une autonomie. En somme, poursuivre et accélérer l'industrialisation et la financiarisation de l'agriculture. Ainsi, alors que tout l'objet est de lutter contre le changement climatique, il n'y a aucune remise en cause de l'usage des produits chimiques, pesticides ou engrais. Les technologies bioindustrielles sont  mises en avant ; les technologies de pointe tels les nanotechnologies, et l'hyper mécanisation assistée par satellite sont présentées comme des innovations salvatrices. Mais nous savons quels intérêts sont défendues derrière ces projets. Derrière le slogan « changeons le système pas le climat », les paysannes et paysans du monde savent quoi mettre et ne se laisserons pas asservir pour les profits d'une minorité !


La Confédération paysanne fera tout son possible pour que la mobilisation de la société civile à Paris en décembre 2015 soit aussi forte et constitue un réel contre-pouvoir à la grande conférence mondiale sur le climat, la Cop21, qui se déroulera sous l'égide de l'ONU* au Bourget, près de Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015. La Cop21 et tous les moments de mobilisations qui précéderont et suivront seront l'occasion pour nous, paysans, paysannes et autres citoyens du monde entier, de nous retrouver, d'engager de nouvelles batailles communes, et de partager nos nouvelles victoires. Les partager entre nous, c'est aussi se donner la possibilité de les multiplier. Et si minimes soient-elle, ce sont elles qui affaiblissent le pouvoir de ceux qui croient pouvoir décider à notre place. La mobilisation de la société civile devra être aussi identifiée comme l'adversaire réel à toutes les fausses solutions qui auront grand jeu au sein des négociations !

Que la cop21 servent à mettre en avant la mobilisation mondiale pour poursuivre et renforcer le mouvement de la société civile sur le climat !  Changeons le système, pas le climat!

 

Christine Riba-Vernier, paysanne dans la Drôme,
et Suzie Guichard, animatrice nationale,
déléguées de la Confédération paysanne au Sommet des peuples de Lima

 

(1) Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts renforcement des stocks de carbone forestiers)

 

Souveraineté alimentaire :

5 étapes pour refroidir la planète et nourrir sa population

 

1. Prendre soin des sols.
2. Une agriculture naturelle, sans produits chimiques.
3 Réduire les « kilomètres alimentaires », et privilégier les aliments frais.
4. Rendre la terre aux agriculteurs et arrêter les méga-plantations.
5. Oublier les fausses solutions, se concentrer sur ce qui fonctionne.

Ces cinq étapes sont développées et argumentées sur le site de la Via campesina :

http://viacampesina.org

POUR ALLER PLUS LOIN
TROUVEZ UNE CONF'
CAMPAGNES SOLIDAIRES
NOUS CONTACTER Mentions légales
Copyright 2018 - Tous droits réservés - Confédération paysanne
104 Rue Robespierre, 93170 Bagnolet - Tél +33 1 43 62 04 04