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CAMPAGNES SOLIDAIRES
14.01.2015

Le rêve chinois des laitiers bretons

14.01.2015 -

Liang Zhang, pdg de Synutra International et Christian Troadec, maire de Carhaix et fervent Bonnet rouge, lors de la cérémonie pour le lancement de la construction de l'usine de production de lait en poudre infantile , en janvier 2014. « Nous allons construire l'usine de poudre de lait la plus grande et la plus moderne du monde à Carhaix », a déclaré à cette occasion l'homme d'affaires chinois.

Tous les mois découvrez un article de Campagnes Solidaires. Ce mois-ci, l'histoire d'une multinationale chinoise qui promet monts et merveilles aux laitiers bretons sur fond de fin des quotas.



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Une société multinationale aux mains d'un oligarque chinois et aux ramifications multiples s'installe en Bretagne et promet l'El Dorado aux éleveurs laitiers de la région. Un rêve comme une fuite en avant d'un modèle à bout de souffle ?

En 2012, Sodiaal, première coopérative laitière française et cinquième mondiale, signe un accord avec Synutra International, entreprise spécialisée dans la distribution de nourriture pour nourrissons. Il est conclu que Synutra reprenne la vieille usine de Carhaix (Finistère) qui produira des poudres de lait à destination du marché chinois. La ferveur s'empare alors de la filière laitière bretonne. La perspective d'accéder à un tel marché échauffe les esprits, et la Chine est évoquée comme un nouvel El Dorado.

Synutra International engage 100 millions d'euros dans la rénovation de l'usine, notamment dans la construction de deux nouvelles tours de séchage. Une fois mise en route, fin 2015, 300 millions de litres de lait y seront pasteurisés chaque année, collectés auprès de 700 producteurs. On y produira 120 000 tonnes de poudre de lait infantile et 30 000 tonnes de lactosérum (1) à destination du marché chinois.

La fin des quotas approchant, l'arrivée de ceux que l'on nomme « les Chinois » dans le Centre-Bretagne alimente les rêves d'expansion des uns et des autres. Mais personne ne s'interroge vraiment sur l'identité de Synutra, ni sur son histoire. Comme s'il s'agissait avant tout de vendre du lait coûte que coûte, peu importe le destinataire.

Synutra International, à travers ses filiales en Chine, c'est 12 000 salariés répartis dans six usines. Son réseau de distribution se compose de 700 distributeurs, 700 grossistes et 27 000 détaillants.  Pour ce pays, ce n'est pas grand-chose : l'entreprise est la 9ème marque chinoise de poudre de lait infantile et ne représente que 1 % des parts du marché de la nourriture pour nourrissons.

D'un point de vue juridique, Synutra International n'est pas une société chinoise puisqu'elle est domiciliée dans l'État du Delaware, aux États-Unis, considéré comme un paradis fiscal pour les entreprises. En tant qu'holding, elle ne possède pas directement les moyens de production, lesquels sont à la charge de ses filiales. Dans le cas de l'usine de Carhaix, c'est Synutra France, dirigée par Christian Mazuray (ancien PDG d'Entremont, racheté en 2010 par Sodiaal) qui en assure la gestion.

Jusqu'en septembre 2005, Synutra International s'appelle Vorsatech Ventures, société créée par l' « homme d'affaires » Liang Zhiang en 1998. En 2002, 92 % de ses capitaux sont détenus par deux fonds d'investissements privés domiciliés aux îles Vierges Britanniques, autre paradis fiscal, détenus respectivement par Liang Zhiang et Xiuquing Meng, son épouse.

Après avoir été domiciliée dans le Colorado, puis aux Bahamas, et après avoir changé trois fois de nom, Vorsatech Ventures finit par absorber Synutra Illinois en juillet 2005. L'originalité de l'opération consiste en ce que, contrairement à Synutra Illinois, Vorsatech Ventures ne possède à l'époque aucun outil industriel, ni aucune infrastructure. Synutra International est donc le produit de la fusion entre un montage financier – Vorsatech Ventures – et un réseau de production en Chine. Qui compte donc une nouvelle filiale en France (2).

L'arrivée de Synutra International à Carhaix pose le problème – entre autres - de l'autonomie des paysans au sein de la filière. Avec la fin des quotas laitiers et la disparition des anciens outils de régulation, les producteurs auront bien du mal à négocier les termes de leur contrat (prix, volumes et mesures de qualité) avec un industriel dont le cœur du pouvoir se cache à des milliers de kilomètres de la Bretagne.

Jules Hermelin

 

(1) Le lactosérum, ou petit-lait est la partie liquide issue de la coagulation du lait. De nouvelles technologies permettent maintenant d'en récupérer les principaux constituants et d'en tirer des produits élaborés comme les concentrés de protéines sériques, destinés à être incorporés dans les produits finis alimentaires.

(2) Ironie de l'histoire, en 1998, Qingdao Sheng Yuan, l'actuelle principale filiale de Synutra International, était détenue  55% par Sodiaal. Le reste des capitaux était contrôlé par la société Honnete, appartenant à Liang Zhiang. En 2003, grâce  à  ses deux sociétés de l'époque,  Honnete et Synutra Illinois,  Liang Zhiang rachête les parts de Sodiaal.

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