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BOVINS LAIT
16.02.2016

« On est déjà sûr que l'année 2016 sera plombée »

16.02.2016 -

Yves Sauvaget : « L'industrie a les moyens de bien payer le lait des producteurs ! »

Tous les mois découvrez un article de Campagnes Solidaires. Ce mois-ci, une interview d'Yves Sauvaget sur la crise du lait.



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Six ans après la grave crise de 2009, et près d'un an après la fin des quotas, les producteurs de lait de vache sont à nouveau confrontés à la baisse de leurs revenus. Le point avec Yves Sauvaget, éleveur dans la Manche et responsable de la commission « lait de vache » de la Confédération paysanne.

Quel est la situation aujourd'hui ?

On sent les éleveurs résignés. La situation est catastrophique, mais la Confédération paysanne l'avait déjà annoncé il y a un an, à la fin des quotas. Les choses ont été juste un peu moins rapides que ce que nous avions dit à l'époque, les industriels ont fait le dos rond et la parité euro-dollar a aussi un peu joué en faveur des produits européens sur les marchés mondiaux. Mais aujourd'hui, on y est. En ce début d'année, si les industriels appliquent les indicateurs de l'interprofession pour déterminer le prix du lait payé aux producteurs, celui-ci devrait chuter bien loin des coûts de production, à 260 euros la tonne de lait, quand fin 2015 on arrivait encore à se maintenir au-dessus de 300 euros (1).
On trouve du lait à outrance partout : en Europe, aux Etats-Unis... Certains pays comme l'Irlande ont augmenté leur production de 13 %. La France est un des pays qui a le moins augmenté la sienne depuis la fin des quotas, en avril dernier : + 0,5 %. Il n'y a pas d'engouement parce que les prix ne suivent pas, mais le risque, c'est que cette production quitte le pays. Certains industriels semblent en être conscients. L'entreprise Bel rajoute 40 euros la tonne à ses fournisseurs. Elle est présente dans des bassins en déprise et craint les conséquences de l'effondrement de son réseau de producteurs.

Pourquoi, contrairement à la précédente crise en 2009, les éleveurs et les syndicats ont-ils semblé tarder à réagir ?

La crise risque d'être plus forte qu'en 2009, mais la situation est différente. En 2009, les prix ont chuté d'un coup. En 2015, l'industrie a lissé la baisse, les prix sont descendus moins brusquement. Mais si on regarde l'évolution de la demande et de la production, sachant que les industriels ont des stocks assez importants, on est déjà sûr que l'année 2016 sera plombée. Le constat est partagé par tout le monde, avec un risque fort de nombreuses cessations d'activité et de concentration de la production.

Que faire alors, à court terme ?

Notre savoir-faire a un prix, qu'il faut faire reconnaître à nos acheteurs. On ne veut et on ne peut plus être les variables d'ajustement de la filière ! Aujourd'hui, nos prix de vente nous sont imposés par l'industrie, et ce prix se réfère à la production industrielle pour le marché mondial. Or 50 % du lait de vache français est écoulé sur le marché intérieur via la grande et moyenne distribution, 10 % sur les différentes formes de restauration hors domicile (cantines, restaurants...), 25 % sur un marché interne européen rémunérateur. Seuls 15 % partent sur le marché mondial, mais un tiers de ce volume est quand même rémunérateur. Donc 85 % de la production nationale va sur des marchés rémunérateurs. L'industrie a les moyens de bien payer le lait des producteurs ! La preuve avec Bel qui peut, sans que personne ne lui demande, mettre 40 euros de plus à la tonne, et sans mettre en péril l'entreprise. C'est que nous devons expliquer aux producteurs. Il faut aller les trouver et les convaincre qu'il y a de l'argent chez les industriels, pour qu'ils s'aillent s'y confronter et les obliger à revenir à des prix rémunérateurs. Ensuite, il faut imposer de nouveaux critères de fixation des prix, à partir des coûts de production et pas d'une part ultra-minoritaire de marché (le marché mondial).


Propos recueillis par Benoît Ducasse


(1) Le coût de production moyen en France tourne actuellement autour de 350 euros la tonne de lait, hors coût du travail (Source : Rica/France Agrimer).

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