Home > Actualités > Une énergie verte bien sale
Partager sur :
CAMPAGNES SOLIDAIRES
11.10.2017

Une énergie verte bien sale

Tous les mois découvrez un article de Campagnes Solidaires. Ce mois-ci, un article sur un méthaniseur géant qui rencontre une forte opposition.



Cliquez ici

pour découvrir le sommaire du dernier numéro et vous abonner à Campagnes Solidaires !

 

En Haute-Vienne, un projet de méthaniseur géant couplé à une ferme usine d'élevage bovin rencontre l'opposition des habitants à laquelle s'associe la Confédération paysanne.

En 1989, une société agroalimentaire italienne rachète le Domaine de Berneuil, une ferme herbagère et bocagère de 550 ha, située dans le nord de la Haute-Vienne et vouée à l'élevage ovin. D'emblée, les haies et les arbres sont arrachés pour créer de grandes parcelles, 450 ha sont drainés, des retenues sont créées pour irriguer 250 ha de maïs.
La SCEA du Domaine de Berneuil engraisse des broutards pour le marché italien sur deux sites pouvant contenir 2500 bovins. Bien qu'elle ait été en 2004 l'élevage le plus primé de France par la Pac - 430 000 € - la ferme-usine de Berneuil peine à trouver son équilibre financier (1).  En 2013, Georges Delachaux rachète le domaine de désormais 700 ha avec l'aide d'une holding dont il est le propriétaire et qui pèse 60 millions d'euros. Pas vraiment un paysan comme les autres ! Mais un investisseur, conscient de la faible rentabilité de la ferme, attiré par l'aubaine que constituent les subventions et les tarifs préférentiels de rachat de l'électricité d'origine agricole. Le nouvel installé construit donc de nouveaux bâtiments photovoltaïques et en 2017, dépose une demande pour la construction d'un méthaniseur d'une capacité de 58 tonnes de biomasse par jour (2).

Le site d'engraissement de Saint-Junien-les-Combes est choisi pour l'implantation du méthaniseur. Le bourg de ce village de 200 habitants est situé dans un vallon à 400 m en contrebas du site, dans le sens des vents dominants. C'est lors de la consultation lancée par la préfecture en juin 2017 que les habitants apprennent l'existence du projet. Ils sont dès lors très nombreux à s'y opposer et créent pour se défendre l'association Eaux les Coeurs. Des banderoles contre le projet apparaissent dans le village. La mairie émet un avis défavorable au projet sous la pression des habitants. Ils s'inquiètent des risques d'explosion, des nuisances olfactives, de l'important trafic généré dans les rues, de la pollution de l'air par le sulfure d'hydrogène et l'ammoniac et de la pollution de l'eau aux nitrates. Ils rejoignent aussi la Confédération paysanne de Haute-Vienne pour dire qu'il ne s'agit pas de s'opposer aux énergies renouvelables, mais à un modèle-type de ferme-usine, comme celle des 1000 vaches, où le lait ou la viande deviennent un sous-produit de l'électricité. Aux yeux de ces investisseurs, la vraie richesse c'est la biomasse - fumier et cultures énergétiques - qu'ils pourront méthaniser pour revendre des kilowatts subventionnés. Et tant pis pour les paysanne et les paysans qui essaient de vivre du lait ou de la viande !

Le 2 août, la Conf' 87 co-organise avec Eaux les Coeurs une manif devant la sous-préfecture de Bellac à l'occasion d'une rencontre entre la sous-préfète, les maires concernés, les services de l'Etat, le syndicat, Limousin Nature Environnement et Eaux les Coeurs. Un autre rencontre suivra un mois plus tard au Domaine de Berneuil. Chaque fois, nous avons affaire à des services de l'Etat qui, au mieux, restent muets et, au pire, défendent becs et ongles le projet. Face à nos revendications, on sent clairement que l'Etat a fixé des objectifs qu'il faudra tenir : on ne s'oppose pas aux énergies renouvelables... C'est la méthanisation à marche forcée !

Pour remplir ces objectifs, le législateur a créé une procédure simplifiée, dite d'enregistrement, qui permet à ces méthaniseurs géants de se passer d'étude d'impact et d'enquête publique. C'est sur cette   procédure que la préfecture s'appuie pour n'apporter aucune réponse, aucune étude complémentaire qui permettrait de répondre aux inquiétudes des citoyen·nes. Une semaine après la manif, le permis de construire du méthaniseur était accordé. Reste le permis d'exploiter que le préfet devrait sans doute signer fin octobre pour que les travaux commencent.

Face au mépris de l'Etat, plusieurs membres de Eaux les Cœurs sont prêts à déposer des recours au tribunal. Ils se rapprochent aussi des autres luttes en cours à proximité contre des projets qui participent d'une même vision mortifère : désertifiés, car vidés de leurs services publics et mis à l'écart de l'investissement publics, nos territoires sont voués à l'agriculture industrielle, à l'exploitation industrielle des ressources et à l'accueil de déchets de toutes sortes. La Confédération paysanne, en proposant une alternative pour des paysannes et des paysans nombreux et des campagnes vivantes, a toute sa place dans ces luttes.



Aymeric Mercier,
paysan en Haute-Vienne



(1) Serge Monteil, le comptable de la SCEA confiait au journal Le Monde en 2006 :" Le résultat de l'exercice 2004 était de 4 840 euros. Les aides viennent en compensation, c'est un plus qui nous permet d'arriver à zéro".
(2) Le projet prévoit, outre les déjections animales, la culture de maïs destiné à alimenter le méthaniseur en biomasse.

Photo : Le 2 août, à Bellac, les opposants au méthaniseur géant en projet à Saint-Junien-les-Combes, dont la Confédération paysanne de Haute-Vienne, manifestaient devant la sous-préfecture avant d'y rencontrer les représentants de l'Etat.

TROUVEZ UNE CONF'
CAMPAGNES SOLIDAIRES
NOUS CONTACTER Mentions légales
Copyright 2018 - Tous droits réservés - Confédération paysanne
104 Rue Robespierre, 93170 Bagnolet - Tél +33 1 43 62 04 04