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ALIMENTATION
19.12.2017

Lettre ouverte - Après les EGA, une Politique agricole et alimentaire forte et ambitieuse, en accord avec le discours à Rungis

Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre,

Les États généraux de l’alimentation s’étaient penchés sur les questions de création et de répartition de la valeur. Votre discours présidentiel à Rungis a posé des fondations importantes pour une réorientation de l’agriculture au service de la rémunération paysanne et des attentes citoyennes. Nous avions d’ailleurs salué l’ambition du discours. Le changement de logiciel proposé pour penser l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation a été en grande partie confié aux interprofessions qui devaient rédiger des plans de filière. Ces outils ne sont pas à la hauteur de l’objectif fixé. Nous sommes aujourd’hui très inquiets car, du côté des actes, se profile plutôt la suppression de la réglementation OGM, la non-régulation des prix agricoles ou encore la suppression des aides pour l’agriculture bio ou de montagne.

Sans surprise, les plans de filières des interprofessions ont été inégaux et surtout n'ont fait aucun véritable lien avec les travaux du second chantier des États généraux de l'alimentation (EGAlim). Dans ces outils sclérosés, le pluralisme syndical y est le plus souvent bafoué, la rémunération paysanne mise à l'écart et les attentes sociétales décrédibilisées. Cependant, provoquer les discussions au sein des filières, comme vous l'avez fait, est indispensable pour poser ces sujets d'avenir évoqués dans le discours de Rungis et nous partageons avec vous la nécessité de faire évoluer les mentalités dans ces instances.

Il faut que les 5 milliards d'euros annoncés à Rungis soient orientés vers la transition agricole et la construction d'outils collectifs de transformation et de logistique de proximité. Ces investissements permettront une montée en gamme et une relocalisation de notre agriculture. Nous avons également besoin d'aménagements réglementaires. Les normes sont aujourd'hui construites au seul bénéfice des industries agroalimentaires, au détriment de produits fermiers et de qualité.

La politique agricole et alimentaire ne peut être laissée aux mains des seules interprofessions. Une alimentation durable ne se fera pas en donnant les clés à Lactalis, Bigard, Avril, Leclerc, Carrefour, etc. Une démocratie alimentaire se construit sur le long terme. Le processus ne peut s'arrêter à ces seuls EGA, qui auront été imparfaits dans leur organisation mais qui ont eu le mérite d'ouvrir le débat. Ne nous arrêtons pas là !

Ce qui nous inquiète profondément depuis Rungis, c'est l'écart entre les actes politiques et le discours. Les quelques actes déjà posés sur l'agriculture et l'alimentation par votre gouvernement sont catastrophiques : fragilisation des mesures de soutien à la transition et aux zones défavorisées (MAEC, ICHN*, blocage de la surprime des premiers hectares), démantèlement des politiques publiques de soutien à l'agriculture biologique, perpétuation de la logique d'accords de libre-échange au détriment de la souveraineté alimentaire, annonce d'expérimentation de la suppression du contrôle des structures, volonté pressentie d'aller vers des politiques assurantielles…

Ces assurances sont une ligne rouge pour la Confédération paysanne. Elles sont l'aboutissement de la privatisation de la politique agricole et l'acceptation de la dérégulation des marchés. Le ministère de l'Agriculture ne porte d'ailleurs toujours pas de vision claire et cohérente sur le sujet, enchaînant des prises de parole et de position contradictoires.

Certes, les résultats du second chantier des EGA, sur la transition agricole, peuvent paraître assez satisfaisants. Comment seront-ils traduits ? La grande interrogation réside déjà dans le lien inexistant avec le premier chantier et les plans de filières. Nous nous interrogeons aussi sur le niveau d'ambition et les choix qui seront faits dans la future loi sur l'agriculture et l'alimentation annoncée pour le premier semestre 2018. Les mesures d'encadrement des pratiques commerciales, sans transparence des acteurs et sans arbitrage public seront vaines. Une forte inquiétude concerne une éventuelle dérèglementation des nouveaux OGM. Rappelons aussi les grands sujets absents où nous aurons besoin de cohérence des politiques publiques: l'eau, le foncier, la fiscalité agricole, la remise en cause de l'organisation libérale des marchés et l'emploi paysan.

La fracture entre les deux chantiers des EGA ne doit pas faire oublier la vision globale dont on a besoin : Il n'y aura pas de transition agricole et alimentaire sans une juste rémunération des paysans. Dans une organisation libérale des marchés, il ne pourra y avoir de démocratie alimentaire et de montée en gamme réussie. Enfin, il n'y aura pas d'alimentation durable sans politiques publiques claires et ambitieuses. Cela passe par une vraie loi d'orientation agricole pour les paysans et les paysannes.

Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a l'occasion d'afficher clairement le choix qui sera le vôtre pour l'avenir de l'agriculture et de l'alimentation. Ainsi, nous saurons à quoi nous en tenir quant à votre ambition réelle de transition et de mise en place d'un droit au revenu pour les paysannes et paysans.

Nous restons à votre disposition pour tout échange et vous prions de croire, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, à l'expression de nos respectueuses salutations.


Laurent Pinatel
Porte-parole de la Confédération paysanne

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