Home > Articles génériques > Bellevue, toujours ferme
Partager sur :

Bellevue, toujours ferme

 

Le dimanche 27 janvier 2013, nous, paysans de Copain (cf. lexique p.II-III), sommes réunis dans une grange. Nous nous demandons quel est le moment le plus judicieux d'occuper la ferme de Bellevue afin d'empêcher sa démolition. Le fermier a signé son départ, accepté les indemnités d'AGO-Vinci, alors il n'y a plus qu'à… À partir du moment où nous occuperons la ferme, nous deviendrons squatteurs. En cela nous ferons partie des occupant·e·s, paysan·e·s et habitant·e·s historiques qui résistent à la construction de l'aéroport.

Notre cul posé sur les bottes de foin bougera très vite lorsque l'un de nous dira : « N'attendons pas demain pour prendre Bellevue, c'est maintenant et tout de suite ! ». Une évidence pour tous (ça arrive…). Arrivés sur place, les tracteurs s'enchaînent autour des bâtiments puis on bloque les accès avec gravats et vieux matériel agricole. Dans la foulée, beaucoup de gens viennent en soutien, des tours de garde s'organisent et une procédure judiciaire est lancée.
Les paysans ne peuvent rester en permanence. Mobilisés depuis de nombreuses semaines, ils manquent de temps pour assurer leur propre boulot. Ils passent donc le relais à un collectif qui s'improvise pour habiter le lieu et le remettre en état. Pour celles et ceux-là, le défilé de visiteurs créera des moments certes fabuleux, mais aussi très durs.
Dans un premier temps, les paysans essaient de s'organiser avec les nouveaux habitant·e·s. En juin 2013, lors d'une opération de communication jointe à l'utilité d'occuper les 120 hectares de Bellevue, ils amènent des vaches. Un jeune de Copain crée un projet de transformation laitière, repris par des occupants de la Zad. Confier des vaches à des personnes qui, pour la plupart, découvrent pour la première fois les soins et l'astreinte de la traite est une sacrée aventure ! La transmission de savoirs continue encore.

Les activités de Bellevue  - lait, fromage, pain, élevage de porcelets, atelier couture... - doivent beaucoup aux échanges. La possibilité de casser la croûte ensemble le vendredi midi participe à une convivialité indispensable pour s'organiser. Bellevue est un lieu identifié paysan, mais les gens qui y vivent ne sont pas forcément investis dans des projets agricoles.

Ce lieu est et doit rester une référence pour échanger des idées sur l'agriculture paysanne avec l'ensemble des composantes de la lutte et de la société. Dans un avenir sans aéroport, Bellevue perdrait beaucoup de son identité symbolique à redevenir une ferme parmi d'autres. L'après sera une autre lutte, à laquelle les paysans doivent se préparer avec l'ensemble du mouvement de résistance.


Michel

 

« Oh la vâche ! » : des vaches et une fromagerie à Bellevue


A Bellevue, le « groupe vache » est constitué de 6 personnes, de 4 vaches laitières prêtées par des paysans en lutte, ainsi que des veaux nés à la ferme. Nous transformons le lait deux fois par jour, en fromage, crème, beurre, fromage blanc, yaourt. Tout ceci sert à ravitailler le « non marché » sur la zone (cf.encadré p.VI-VII), des repas au gré des événements de la lutte, mis en partage dans un frigo où chacun·e peut se servir. Chaque semaine, une traite est réservée pour soutenir des migrant·e·s à Nantes.

Nous ne vendons rien, il y a simplement une caisse de soutien pour couvrir les frais. Ce que nous faisons n'a pas de prix ! Nous ne voulons pas quantifier le temps, le plaisir ou la contrainte que cela implique, ni les rencontres et les amitiés que cela tisse. Ce que nous faisons est partie prenante de la lutte et ne pourrait exister sans elle : l'occupation de la zone, les solidarités, les actions et manifs, les débats, les liens, le partage et l'organisation collective à plein de niveaux différents. Ce qui nous est important ici, c'est un brassage et une confrontation entre des mondes qui ne se rencontrent pas très souvent, avec toutes les richesses que ça apporte. C'est ainsi que nous avons tout appris sur les vaches, les cultures, les tracteurs, la transfo et les prairies ici, plongé·e·s dans un monde, accompagné·e·s du soutien, de la patience, la pratique et la passion des paysan·ne·s et de tout un tas de gens.

Nous ne sommes pas des agris diplomé·e·s, et ne comptons pas le devenir. Nos installations ne sont pas conformes aux normes. Pour nous, rester hors des cadres institutionnels, c'est faire nos propres cadres ; éviter au possible un système de contrôles et pressions visant à la compétitivité, c'est se tenir à distance des lois impitoyables du marché.
Nous ne sommes pas là pour vendre du lait, mais pour contribuer à nourrir des résistances,
pour vivre et lutter dans ce bocage, contre la métropolisation, la marchandisation, pour défendre des terres, des rêves, des possibles, pour partager des fromages, des idées, des connaissances, des émotions, des moyens de lutte, des doutes, des désirs...


Les trayeurs et trayeuses

TROUVEZ UNE CONF'
CAMPAGNES SOLIDAIRES
NOUS CONTACTER Mentions légales
Copyright 2018 - Tous droits réservés - Confédération paysanne
104 Rue Robespierre, 93170 Bagnolet - Tél +33 1 43 62 04 04