COMMUNIQUE DE PRESSE
Lettre au gouvernement suite au village de l'eau à Melle
31.07.2024Bagnolet, le 25 juillet 2024
Monsieur le Premier Ministre,
En tant que syndicat agricole représentatif, nous rappelons avec force que nous sommes légitimes pour défendre nos adhérent·es et l'ensemble des paysan·nes sur tous les sujets agricoles. En particulier quand des paysan.nes sont victimes d'un système agroindustriel qui ne les rémunère pas à la hauteur de leur travail et les mène dans une impasse économique, sociale et écologique. C'est le coeur de notre travail syndical et de défense des intérêts de notre profession. C'est pourquoi nous avons participé au Village de l'eau à Melle pour revendiquer une autre politique de gestion de l'eau.
Depuis plus de 20 ans, la Confédération paysanne est mobilisée contre les méga-bassines, fausse solution qui entérine un partage inéquitable de l'eau au sein du monde agricole et qui constitue une mal-adaptation au changement climatique. Nous sommes conscient·es des divergences et désaccords sur la politique menée autour de la gestion de l'eau et des mégabassines, au sein des territoires, des acteurs agricole et avec le gouvernement.
Nous appelons constamment et avec force à un dialogue transparent sur le sujet du partage de l'eau, en vain jusqu'à présent.
Au-delà de nos revendications pour une politique de gestion de l'eau démocratique et d'intérêt général, pour une politique de gestion de l'eau qui plafonne et priorise les usages de l'eau pour une meilleure répartition au sein du monde agricole et globalement, pour une politique de gestion de l'eau qui préserve sa qualité et accompagne massivement le changement de pratiques agricoles, nous souhaitons rappeler avec solennité que nous attendons de l'Etat et des pouvoirs publics une impartialité quant à l'Etat de droit.
Le traitement différencié des mobilisations paysannes est une réalité insupportable et indéniable. Le Village de l'eau a été harcelé par un dispositif policier hors-normes, bien loin du traitement de manifestations qui ont menacé des administrations et leurs fonctionnaires, dégradé massivement des biens publics et privés.
Par ailleurs, le dispositif policier déployé n'a pas empêché plusieurs agressions sur des militant·es défenseur·euses de l'eau, y compris sur une ferme en Charente-Maritime avec l'occurrence d'agressions physiques et de vols. Des plaintes et des mains courantes ont été déposées suite à ces énièmes épisodes à répétition. Nous demandons que ces agriculteurs et exploitations soient protégés.
Pourquoi et pour qui travaille la cellule Déméter ? Pour tous les agricultrices et agriculteurs ou pour ceux qui défendent un modèle productiviste ? Nous condamnons toute violence envers les personnes. Nous n'avons jamais bougé de cette ligne sur ce point. A l'inverse, l'Etat semble aujourd'hui distinguer celles et ceux qui peuvent agir en toute impunité, menacer et passer violemment à l'acte et celles et ceux qu'il faut réprimer quitte à provoquer les situations de tension sur le terrain.
Notre porte-parole national Nicolas Girod, agressé physiquement au Salon de l'Agriculture 2022, a vu sa plainte classée sans suite. Aucune nouvelle de l'agression à domicile de Paul François, lanceur d'alerte contre Monsanto et les pesticides. Aucune protection efficace des militant·es anti-bassines n'a été mise en place: on peut citer le saccage devant le domicile d'un représentant de Nature Environnement 17 suite à une manifestation agricole à La Rochelle ou les nombreuses intimidations et agressions subies la semaine dernière par des paysan·nes et militant·es anti-bassines. De même les propres services de l'Etat (OFB, DDTM...) sont mis en danger régulièrement par les agissements de certains acteurs et organisations agricoles.
Le Ministre de l'Intérieur juge au contraire à son bon vouloir le bien-fondé de telle ou telle colère, ment sans vergogne sur les décisions de justice en affirmant à la télévision qu'aucune décision juridique n'a été défavorable aux agriculteurs irrigants de Poitou-Charentes alors même que l'autorisation unique pluriannuelle dans le marais poitevin a été annulée récemment par la justice, pour ne citer que la dernière décision juridique en défaveur des méga-bassines. Où est l'impartialité de l'Etat de droit ? Nous sommes profondément atterré·es.
En traitant indifféremment et sans fondement "d'éco-terroristes" les militant·es qui se mobilisent pour un partage équitable de l'eau, le gouvernement a participé à la recrudescence des tensions sur nos territoires et des violences subies par des paysan·nes opposé·es aux méga-bassines et par des militant·es d'associations écologistes.
Aujourd'hui, c'est dramatique, nous ne nous sentons pas protégé·es par notre Etat qui piétine l'Etat de droit et les directives européennes. L'intimidation verbale et physique est permanente dans nos territoires pour faire taire les voix dissonnantes. Est-ce l'image d'une démocratie qui vit bien ? Peut-on construire l'avenir de nos territoires sur de telles bases ? Nous sommes convaincu·es que non.
Au lieu d'assurer l'Etat de droit, la communication gouvernementale met de l'huile sur le feu en permanence, ne met en place aucune disposition pour rétablir le dialogue sur les territoires et participe à la psychose sur les territoires quant à "l'attaque présumée" des manifestant·es contre les agriculteur·rices et leurs fermes. Cela encourage la violence, le repli sur soi et l'enfermement dans les campagnes, que certain·es utilisent à leurs fins populistes comme l'ont fait ces derniers jours certain·es représentant·es de la Coordination Rurale, au lieu de permettre les conditions d'un dialogue apaisé. Nous appelons avec responsabilité à un moratoire sur les méga-bassines et à la réinstauration d'un dialogue sur la politique de gestion de l'eau en France et dans nos territoires.
Veuillez agréer nos salutations les plus respectueuses.
Laurence Marandola, Porte-parole nationale
Véronique Marchesseau, Secrétaire générale
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