LOA : la Confédération paysanne contribue à la saisine du Conseil constitutionnel
La première atteinte est liée aux dispositions qui mettent en concurrence agriculture et environnement. Pourtant, de la santé des sols et des cours d'eau dépend la capacité actuelle et future à produire une alimentation de qualité en France. En introduisant la notion floue et ambigüe « d'intérêt général majeur », les parlementaires n'ont pas pris la peine de préciser comment elle s'articulait avec les notions d'intérêt général, d'intérêt public majeur, d'intérêt national majeur ou d'intérêts fondamentaux de la nation. Est-ce à dire que l'agriculture et la pêche, désignées « d'intérêt général majeur », seraient exonérées du respect de la Charte de l'environnement, qui a pourtant valeur constitutionnelle ?
La notion de souveraineté alimentaire introduite dans la loi relève d'une approche purement productiviste, au détriment des incontournables volets alimentaires, économiques, sociaux et environnementaux consacrés par la Charte de l'environnement. Or, la notion de souveraineté alimentaire a déjà une définition juridique, au sein de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, contenant le lien intrinsèque avec la durabilité et l'accès à l'alimentation. La protection des ressources - eau, sols, haies, cours d'eau, pollinisateurs… - est donc indispensable pour maintenir notre capacité de production agricole sur le long terme et faire face aux défis du changement climatique.
Le second grief de notre contribution porte sur l'atteinte à l'égalité devant la loi induite par les articles 31 et 44, qui aménagent des régimes de faveurs juridiques et judiciaires à l'agro-industrie.
En instaurant « une présomption de non-intentionnalité » visant à dépénaliser les atteintes aux espèces et aux espaces naturels protégés, l'article 31 va à l'encontre de l'intérêt des paysan·nes. La nature reste en effet le principal outil de travail des paysan·nes. Les dommages environnementaux causés par certains paysan·nes ont donc des conséquences négatives pour l'ensemble des professionnels.
L'article 44 crée un nouveau régime contentieux dérogatoire pour les méga-bassines et pour les installations classées pour la protection de l'environnement dites ICPE. Ces deux types d'ouvrages, outils manifestes de l'agro-industrie bénéficieraient ainsi d'un contrôle moins strict du juge. Soit une justice à deux vitesses pour les paysan·nes : certains seraient soumis au droit de l'environnement et à la répression de tout délit à son encontre quand les agro-industriels, qui ont davantage recours aux pesticides et aux engrais azotés polluant les sols et les eaux, bénéficieraient d'un régime judiciaire de faveur, plus rapide et plus laxiste.
Les paysan·nes ont tous besoin d'infrastructures fonctionnelles, de haies, de cours d'eau et de sols en bon état écologiques. Or, absoudre les professionnels non-respectueux de l'outil de travail collectif porterait préjudice à l'ensemble des paysan·nes ; sanctionner ceux qui ne respectent pas la nature, c'est préserver l'activité agricole du plus grand nombre.