Tribune - Pourquoi la Confédération paysanne ne participe pas à la grand-messe du 8 décembre sur la "souveraineté alimentaire"
Dernier fait en date : la réception de lobbyistes de l'agroalimentaire brésilien jeudi 28 novembre par le Président Macron en-dehors de son agenda officiel, le même jour que l'adoption de la résolution contre l'accord UE*-Mercosur* par l'Assemblée nationale.
Parler de souveraineté alimentaire à cet événement de communication "Le Grand Réveil alimentaire" n'est pas anodin.
Le concept de souveraineté alimentaire a été défini et présenté par La Via Campesina lors du Sommet de l'alimentation de 1996 à Rome organisé par l'ONU*. La souveraineté alimentaire désigne le DROIT des populations, de leurs Etats ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis à vis des pays tiers. Elle est entre autres indissociable de la démocratie alimentaire. Le passage en force de la loi Duplomb est emblématique du piétinement par ce gouvernement de l'essence même de ce qui fait la souveraineté alimentaire.
Quelques exemples de contradictions violentes sur la souveraineté alimentaire.
Sur la filière fruits et légumes, la France donne son blanc-seing à la révision de l'accord UE*-Maroc proposée par la Commission Européenne, en dépit d'un étiquetage frauduleux sur les tomates et melons provenant du Sahara occidental, de la violation des droits humains et de la spoliation des ressources naturelles observées sur place.
Sur la filière apicole, les accords UE*-Mercosur*, UE*-Ukraine et UE*-Mexique aggravent encore davantage les problèmes d'écoulement de la production française de miel et tirent les prix vers le bas.
Sur la filière ovine, l'accord UE*-Nouvelle Zélande a amené à la situation actuelle où moins de 50% de la consommation française est couverte par la production nationale et où le revenu des éleveurs ovins est en moyenne le plus faible du secteur agricole sur les deux dernières décennies.
Dans les DROM, la France perpétue un modèle agricole néocolonial au profit des agro-industriels et des grandes plantations de sucre et de banane, au détriment de la production locale. L'inégale répartition du POSEI favorise la concentration horizontale et verticale dans les filières alimentaires et donc la vie chère ainsi que l'accaparement scandaleux des aides par une poignée de bénéficiaires. Elle constitue une profonde injustice. La priorité à la souveraineté alimentaire locale dans les DROM devrait être la boussole des politiques agricoles, plutôt que la soumission aux lobbys.
Ce que nous attendons sur la souveraineté alimentaire, ce sont des actes concrets, à commencer par un "non" ferme de la France à l'accord UE*-Mercosur* et un travail acharné de constitution de la minorité de blocage.
Au lieu de parader à Rungis, plateforme d'import-export, la Ministre de l'Agriculture devrait donc plutôt prendre un avion pour Bucarest afin de convaincre la Roumanie concernant l'accord UE*-Mercosur*, ce qui permettrait en l'état actuel des choses d'atteindre la minorité de blocage. Nous sommes à sa disposition pour lui payer son billet d'avion si nécessaire.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons participer à cette mascarade du "Grand Réveil Alimentaire" alors que nous n'avons aucune garantie que le gouvernement français agisse réellement pour la souveraineté alimentaire en France. Toutes promesses prévues dans ces conférences sur la souveraineté alimentaire ne sont que du folklore à nos yeux. Seul le vote au Conseil de l'UE* fera foi d'une première prise de conscience de la nécessaire réorientation des politiques publiques pour une rémunération agricole digne, une alimentation de qualité accessible, un environnement sain et la justice climatique.
Emmanuel Macron et son gouvernement doivent stopper l'accord UE*-Mercosur* et réellement agir pour bâtir notre souveraineté alimentaire. Le « Grand Réveil Alimentaire », c'est le 18 décembre à Bruxelles, pas le 8 décembre à Rungis.



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