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AGRICULTURE PAYSANNE
24.10.2014

Pour une Picardie paysanne

24.10.2014 -

Vincent Chombart sur sa ferme, à Hombleux, au cœur de la Picardie.

Certes, la Picardie, très agro-industrielle, n'est pas aujourd'hui un terreau de prédilection pour l'agriculture paysanne. Mais des hommes et des femmes y résistent, portant un autre modèle agricole et de société. Comme Vincent Chombart, porte-parole local de la Confédération paysanne.

Le Santerre, vaste territoire au cœur de la Picardie, déroule à perte de vue des champs de betteraves, pomme de terre et céréales. Les arbres et les haies ont été remplacés par des dizaines d'éoliennes géantes. Les nouvelles cathédrales sont les usines de l'agro-industrie pour la production de sucre (à partir des betteraves) ou d'éthanol (à partir du blé). A dix kilomètres de là, une grande centrale produit vapeur et électricité pour ces usines et EDF, absorbant chaque jour trente-cinq camions de bois, venu des Ardennes ou des Vosges. Difficile de comprendre la cohérence, autre que financière, de cet assemblage.

Au milieu de ce paysage se trouve la ferme de Vincent Chombart, porte-parole de la Confédération paysanne de la Somme. Le contraste est saisissant : cinq hectares de parcelles horticoles et une trentaine d'hectares de grandes cultures (1) quadrillés par des haies, chose rare dans le secteur qui valut à la plantation bien des railleries au paysan.

Vincent s'installe en 1991 ici, à Hombleux, sur des terres de son beau-père et avec son aide. Il  avait rencontré son épouse à l'école d'horticulture, mais même si celle-ci s'installe agricultrice-horticultrice en 1988, le couple tient à maintenir indépendantes leurs deux unités de production et de vente. C'est sur un ancien champ de colza qu'est installée la pépinière de Vincent. « Les premières années, la betterave et le blé ont fait bouillir la marmite », se souvient-il. Petit à petit, l'affaire se développe : depuis 2001, les prêts à l'installation remboursée, l'exploitation progresse et quasiment chaque année, un nouveau collaborateur salarié la rejoint. Désormais, l'effectif – dix emplois permanents - ne devrait plus bouger.

Sur l'ensemble de la France, 450 clients professionnels s'approvisionnent ici chaque année, pour 40 % des collectivités territoriales, pour quarante autres pour-cents des entreprises du jardinage et du paysage, le reste étant réparti entre architectes-paysagistes ou pépiniéristes pratiquant l'achat-revente. Le chiffre d'affaires est de 1,07 million d'euros pour la saison écoulée.

La gamme est à la fois resserrée et très large. Resserrée sur trois grandes familles de plantes : les vivaces, les graminées et les fougères d'ornement. Très large car proposant… 2000 références différentes (2). « On pourrait réduire, tient à préciser Vincent. 20 % des variétés font 80 % du chiffre d'affaires, mais je tiens quand même à garder une grande variété de plantes à proposer. D'abord parce que c'est important commercialement : le client prend toujours les mêmes mais aime avoir ce large choix. Ensuite, tout simplement parce que j'aime bien découvrir ces plantes, en tester de nouvelles, c'est mon métier et aussi ma passion. »

Derrière la première parcelle qui accueille en plein air des milliers de plants en pots se dresse une haie. Et derrière la haie, une magnifique serre construite en 2011. « En Picardie, le climat n'est pas le même qu'à Brest ou Toulouse, et pour ces villes qui m'achètent régulièrement des plantes pour leurs parcs et massifs, une telle serre permet d'avoir des plants adaptés à leur climat et prêts en début de saison, sachant que 60 % des ventes se font de février à la mi-juin. »

Quand le besoin s'en fait sentir, la serre est chauffée par une chaudière à plaquettes forestières, « d'origine locale, bien sûr », tiens à préciser Vincent. Un système de récupération des eaux de pluie et d' arrosage permet la quasi-autonomie en eau.  Des carpes et un canon à ultrasons limitent les algues vertes dans le bassin de collecte de 2000 m3.

Pour économiser sur l'arrosage, les plants sont paillés à leur pied avec du broyat de miscanthus.  Cette plante herbacée, plus connue sous le nom d'herbe à éléphant, est cultivée en Picardie sur des terres moins fertiles. Elle s'avère productive, durable et économe en entretien. Séché et transformé en granulé, le miscanthus peut aussi servir pour le chauffage. « Ce paillage ne sert pas qu'à diminuer sensiblement les volume d'eau pour l'arrosage, précise Vincent. Il représente aussi 70 % de temps de désherbage en moins, un travail pénible et coûteux. Et à l'arrivée, dans les massifs, puisqu'il se composte, c'est un bon amendement. »

A 51 ans, Vincent Chombart est encore loin de la retraite, mais l'avenir de sa ferme est bien pensé : « Les deux outils sont reprenables : les cultures et l'horticulture. La partie horticole peut même au besoin être scindée en deux. Tout est en place, en bon état : la serre a une durée de vie de 40 ans et sera utile et performante pour un successeur. » Tout près, sa fille n'a pas attendu pour se lancer dans ses projets : elle est maraîchère et vend sur place en ouvrant sa ferme à la cueillette, ce qui attire de nombreuses familles du pays.

Faut dire que ce n'est pas dans les milliers d'hectares monotones de betteraves des alentours que les enfants peuvent s'éclater en appréhendant la nature et sa biodiversité...

Benoît Ducasse

(1) blé, maïs, betteraves et féveroles

(2) ce qui représente annuellement 900.000 plants en godets et 500.000 grands pots. 70 à 100 plantes nouvelles par an.  30 % d'invendus : une partie récupérée pour la production de nouveaux plants ou la vente l'année suivante, environ 10 % de « perte sèche » finit au compost, épandu ensuite sur les parcelles agricoles.


Et pourtant, ils existent !

« Je suis un enfant de José Bové ! », plaisante Vincent Chombart pour expliquer son engagement à la Confédération paysanne.  « A la toute fin des années 90, j'ai entendu à la radio et à la télé qu'une autre agriculture était bel et bien possible. Ici, la Fnsea est partout, domine tout, contrôle tout. Je ne savait pas qu'autre chose existait, j' adhérais à la "fédé" et j'ai tout de suite arrêté. Un voisin et cousin s'était déjà intéressé à la conf'. Je me suis rapproché de lui, et en 2000, on m'a demandé de figurer sur la liste pour l'élection à la chambre d'agriculture de la Somme, en janvier 2001. C'est comme ça que je suis tombé dans le chaudron »

Car surprise : plus de 17 % des voix ! Les élus confédérés sont vite pris par les responsabilités de la représentativité. Vincent siège en CDOA*, à un groupe de travail sur l'installation des jeunes... Un travail chronophage dans un milieu hostile.

Six ans après, c'est la décrue : 10,5 % au élections professionnelles de 2007, plus de représentativité, plus de financement, plus d'animateur. S'en suit une longue période sans dynamique syndicale, ou presque. « A l'automne 2012, j'ai vraiment eu peur qu'il n'y ait plus de conf' ici. J'ai pris ma voiture et le soir, j'allais solliciter des gens pour construire une liste pour les élections à la chambre de janvier 2013. Ma vieille XM y a fini sur un talus, mais les 23 candidats ont été trouvés. On a fait le minimum : 6,75 % des voix, mais avec le calcul au plus fort reste, nous avons quand même un siège, ou plutôt un strapontin, à la chambre. »

La Confédération paysanne de la Somme repart petit à petit, avec un petit noyau de militants plus actifs, et quelques autres « qui viennent quand on les sollicite ». Le combat contre l'usine des 1000 vaches la projette sous la lumière de l'actualité.

Une des rares satisfactions de ces dernières années est qu'une liste ait pu être présentée aux élections professionnelles de 2013 dans chacun des trois départements picards (Somme, Aisne et Oise). Le meilleur résultat a été obtenu dans l'Aisne, avec 9,46 % des voix. Pour autant, la région reste la seule à ne pas être représentée au comité national de la Confédération paysanne.


Crédits photos : Benoit Ducasse
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