La crise viticole ne se résoudra pas en désalcoolisant les vins !

L'argument de créer un segment de marché pour réveiller la consommation de vins est illusoire. En effet, la dépendance aux entreprises spécialisées dans la désalcoolisation (usant de procédés coûteux en investissement et en énergie) réduit drastiquement l'autonomie des vigneron·nes. Le risque d'être évincé·es du marché face à une production industrielle (à base de taille rase et d'irrigation) et à la mainmise du négoce, capables de produire des vins désalcoolisés en grande quantité, est réel. Cette dépendance aux nouvelles technologies ne permettra pas de résoudre la crise qui touche la filière.
L'appellation "vin" est historiquement et réglementairement liée à la fermentation naturelle du raisin et à un savoir-faire précis. Si des produits désalcoolisés entrent dans cette catégorie, les consommateur·rices risquent de ne plus faire la distinction entre un vin traditionnel et un produit industriellement modifié. Cette confusion pourrait à terme décrédibiliser l'ensemble des vins, plutôt que d'ouvrir des nouveaux marchés à la filière.
Plus généralement, nous nous interrogeons sur l'opportunité de faire fermenter du jus de raisin, pour ensuite le désalcooliser à grand renfort d'énergie, d'adjuvants, et de stabilisants. Ne serait-il pas plus judicieux de partir du jus de raisin lui-même, à moins de vouloir profiter de l'image du vin pour en usurper le nom pour un produit qui n'en aurait, justement, plus que le nom ?
De plus, les procédés de désalcoolisation nécessitent des investissements et traitements technologiques lourds qui incluent une augmentation de l'empreinte carbone du produit, et de sa consommation en eau. L'ajout d'ingrédients, d'additifs ou de conservateurs permettant de stabiliser cette nouvelle boisson nécessitent d'être explicités et communiqués aux consommateur·rices. Pour les vins biologiques, cette ouverture remet en question la fiabilité des engagements pris en matière de respect de la nature et du produit, incompatibles avec l'esprit du label bio.
Les vigneron·nes ont besoin d'une restructuration cohérente et de soutien qui privilégient des actifs agricoles nombreux plutôt que des outils qui continuent de les assujettir à toujours plus d'industrialisation. La filière viticole a tout intérêt à préserver son intégrité et à refuser une telle évolution qui menace le travail des viticulteur·rices et l'image des vins.
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